Dans une tribune parue dans le journal Le Monde, Cecilia García-Peñalosa (AMSE/CNRS/EHESS) et Fabien Petit (AMSE/AMU) se demandent pourquoi les filières mathématiques aux lycées sont si impopulaires auprès des filles.
► Retrouvez la tribune complète publiée dans le journal Le Monde le 8 mars 2022
"En janvier, à la suite de la publication des chiffres concernant le nombre de lycéennes et lycéens ayant choisi de poursuivre leurs études en mathématiques en terminale, professeurs, sociétés savantes et associations de mathématiques ont dénoncé l’« aggravation des inégalités filles-garçons en mathématiques au lycée ». La raison, d’après eux ? La réforme du lycée qui permet aux élèves de terminale de retenir deux matières de spécialité sur les trois suivies en première.
Durant vingt-cinq ans, la proportion de filles et de garçons faisant des maths en terminale avait augmenté de 5 points, pour chuter de près de 10 points entre 2020 et 2021 après la réforme. Les solutions mises sur la table, pour freiner la tendance, vont du retour au système précédent qui obligeait toute élève souhaitant étudier la biologie à faire des maths en terminale, à une modification des programmes scolaires. Mais peu semblent s’être posé la question de pourquoi les lycéennes ont souhaité abandonner en masse les mathématiques.
Deux éléments manquent dans le débat. Le premier est la théorie de l’avantage comparatif. Comme dans le commerce international, les choix optimaux ne dépendent pas de l’avantage dans un unique domaine, mais des capacités relatives dans plusieurs. À cet égard, filles et garçons sont différents. Les résultats du Programme international pour le suivi des acquis des élèves – l’enquête PISA réalisée tous les trois ans par l’OCDE pour mesurer les performances des élèves de 15 ans –, sont parlants. Les filles sont tout aussi bonnes que les garçons en sciences et en mathématiques, mais elles sont encore meilleures dans d’autres disciplines. En conséquence, elles choisissent de s’orienter vers ces dernières.
Discrimination implicite
Effectivement, dans une étude publiée en 2020, Thomas Breda et Clotilde Napp, respectivement de l’École d’économie de Paris et de l’université Paris-Dauphine, examinent quels facteurs expliquent les choix d’études post-bac. À partir des données PISA pour 64 pays, ils identifient que la différence d’envie entre filles et garçons de faire des études intensives en mathématiques n’est pas due à une différence dans leurs notes en maths, mais plutôt à l’avantage comparatif des filles dans les matières littéraires.
Ceci nous amène à la deuxième question : pourquoi les lycéennes excellent plus dans les matières littéraires qu’en mathématiques ? De nombreuses études témoignent de l’impact fondamental des stéréotypes. Par exemple, quand une tache de géométrie fait partie d’un cours de dessin, la performance des filles est bien meilleure que quand la même tache leur est présentée comme un exercice de maths. La bonne nouvelle est que tout semble indiquer qu’il est possible de changer, au moins en partie, ce conditionnement social. Et le travail se fait en grande partie à l’école et au lycée.
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