Dans une tribune au "Monde" publiée le 07/09/2022, Gilles Dufrénot (AMSE/SciencesPo Aix/CEPII) va à l'encontre de l'idée reçue qui veut que l'augmentation des taux directeur soit un outils efficace pour lutter contre l'inflation.
► Retrouvez la tribune complète sur le site de Le Monde (04/07/2022)
"De la réunion annuelle des banquiers centraux à Jackson Hole, aux Etats-Unis, le 25 août, les commentateurs ont retenu deux informations importantes.
La première est que les banques centrales des pays industrialisés – la Réserve fédérale américaine (Fed) en tête – sont prêtes à remonter vigoureusement leurs taux directeurs pour enrayer la spirale inflationniste naissante, quitte à sacrifier la croissance économique.
La seconde est l’effet de signal censé donner une crédibilité à ces annonces : Jerome Powell, le président de la Fed, a prévenu que ménages et entreprises souffriraient de la récession induite par la remontée des taux.
Une hypothèse fausse
Ce narratif, relayé abondamment dans les médias, suppose que le durcissement de la politique monétaire est l’approche appropriée pour ramener l’inflation à des niveaux bas. Or, il repose sur une hypothèse fausse, à savoir que l’inflation actuelle serait principalement due à des facteurs de demande.
Aux Etats-Unis, ceux-ci n’expliquent qu’au plus un tiers de l’inflation (« How Much Do Supply and Demand Drive Inflation ? », Adam Shapiro, Federal Reserve Bank of San Francisco, 21 juin 2022).
Bien que ne disposant pas d’études similaires pour la zone euro, l’économiste en chef de la Banque centrale européenne (BCE), Philip Lane, identifiait, dans un discours prononcé à Bruxelles en mai pour le cercle de réflexion Bruegel, les causes majeures de l’inflation actuelle : l’engorgement des chaînes de valeur mondiales, les facteurs géopolitiques – dont la guerre en Ukraine, la sortie des politiques de confinement mises en œuvre pour lutter contre le Covid-19 (« Les perspectives de la zone euro : quelques considérations analytiques », Philip R. Lane, Bruxelles, le 5 mai 2022).
Pour comprendre l’inflation actuelle, la théorie monétariste n’est pas la bonne clé de lecture. C’est plutôt la structure des coûts de production qui gouverne l’inflation. Depuis au moins quatre décennies, l’inflation des prix à la consommation est corrélée à l’évolution des prix de production, qui suivent de longs cycles de hausse et de baisse.
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