Promouvoir le multilinguisme : un pas de plus vers la « justice sociale » ?
Bibliothèque de l'Alcazar
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L'anglais est la langue "étrangère" la plus enseignée en France de nos jours. Et pourtant, on dit que c'est l'arabe qui est la deuxième langue la plus pratiquée en France. Il y a beaucoup de bonnes raisons de bien apprendre l'anglais - mais n'y a-t-il pas d'aussi bonnes raisons d'apprendre l'arabe, ou une autre langue parlée et pratiquée dans les familles en France?
Bien que les enfants de ces familles en France, avec langues maternelles non françaises, ont souvent la chance de parler deux langues pour le seul fait d'être nés dans telle ou telle famille d'une autre origine, les études PISA montrent que souvent ce sont ces enfants qui ne réussissent pas autant à l'école que leurs camarades franco-français. Comment est-il possible qu'une chance puisse se transformer en échec ?
Amartya Sen, prix Nobel en économie, propose de viser à un monde plus juste, et à un meilleur bien-être pour toutes et tous à travers une égalisation des "capabilités"— c'est-à-dire ce que les personnes peuvent faire ou être, si tel est leur choix. Ici, nous proposons de promouvoir une justice "linguistique", et ce à au moins deux niveaux :
- l'égalisation des chances de parler au moins deux langues et d'avoir la possibilité de devenir bilingue pour tous et toutes qui y aspirent;
- l'égalisation de la réussite scolaire, indépendamment de la langue parlée à la maison.
Il faut donc une justice linguistique qui légitime une diversité linguistique et un échange linguistique, notamment avec celles et ceux de nos camarades et collègues de classe qui nous entourent, avec qui nous grandissons, et qui savent parler d'autres langues que le français, plutôt que prioritairement la promotion d'une langue universelle comme l'anglais.
Miriam Teschl est enseignante-chercheuse à l’EHESS et membre du laboratoire AMSE. Ses travaux portent sur la philosophie économique.