La pollution atmosphérique constitue un enjeu de santé publique majeur toujours d’actualité en France. A l’occasion de la Journée Nationale de la Qualité de l'Air (JNQA), l’Aix-Marseille School of Economics (AMSE, Aix-Marseille Université, AMU), en partenariat avec Santé publique France (SpFrance), publie une évaluation économique de la mortalité évitée par les restrictions d’activité du printemps 2020 en lien avec la Covid-19. Ces résultats ont été mis en perspective avec l’impact de l’exposition à long terme de la population française métropolitaine à la pollution de l’air ambiant sur la période 2016-19.
Le 16 mars 2020, pour lutter contre la première vague de l’épidémie de Covid-19, un confinement strict en France était décidé créant une situation environnementale jamais observée. Cette mesure sans précédent a conduit à un ralentissement massif de l’activité et de la circulation de la population avec des conséquences sanitaires, économiques, sociétales et environnementales.
En avril 2021, une étude conjointe de Santé publique France, de l’Ineris, du Centre interprofessionnel technique d’études la pollution atmosphérique (Citepa), des associations agréées de surveillance de qualité de l’air (AASQA) et de l’Observatoire régional de santé d’Ile-de-France a estimé a posteriori les conséquences sur la mortalité des baisses de la pollution de l’air ambiant observées durant ce premier confinement.
Santé publique France a mis en perspective ces résultats en calculant l’impact de l’exposition à long terme de la population française métropolitaine à la pollution de l’air ambiant sur la période 2016-19.
Impacts sanitaires et économiques de l’amélioration de la qualité de l’air liée aux restrictions d’activité du printemps 2020 en lien avec la Covid-19
La mortalité évitée est estimée à 2 300 décès pour les PM2.5 et près de 900 pour le NO2 . Elle correspond aux décès évités si l’amélioration de la qualité de l’air était ramenée de manière pérenne aux niveaux observés pendant le confinement. La valorisation économique est estimée à 7,5 milliards et 3 milliards d’euros pour les PM2.5 et le NO2, respectivement.
Ces résultats, qui ne peuvent être sommés pour les deux indicateurs de pollution, confirment les gains sanitaires et économiques observés en France comme dans la quasi-totalité des pays du monde suite aux mesures de confinement du premier semestre 2020.
Les restrictions d’activité du printemps 2020 ont par ailleurs eu d’autres impacts sur la population française, positifs et négatifs, dont certains ne pourront s’évaluer que dans le futur. Positifs, avec la baisse des décès liés aux accidents de la route (évaluée à environ 700 décès sur l’année 2020). Négatifs avec la dégradation de l’état de santé de la population (santé mentale, baisse de l’activité physique, pertes de suivi des malades chroniques et déprogrammation de certaines opérations chirurgicales), les pertes de bien-être liées au confinement, les impacts éducatifs et sur l’emploi.
Impacts sanitaires et économiques à long terme
Pour mettre en perspective les résultats liés au confinement du printemps 2020, Santé publique France a également estimé, sur la période 2016-19, les nombres annuels de décès qui peuvent être attribués à une exposition à long terme de la population aux PM2,5 (40 000 décès) et au NO2 (7 000 décès). Cela représente respectivement 7% et 1% de la mortalité totale annuelle, pour une perte moyenne d’espérance de vie chez les personnes âgées de 30 ans et plus de presque 8 mois pour les PM2,5 et de 2 mois pour le NO2. En termes économiques, cela représente un impact sociétal annuel d’environ 130 milliards € pour les PM2,5 et 23 milliards € pour le NO2.
Les estimations respectives attribuables à une exposition de la population à chaque indicateur de pollution ne sont pas additionnables intégralement, car une partie des décès peut être attribuée à l’exposition conjointe à ces deux polluants.
Cet impact à long terme et sa traduction en termes économiques pour la société française soulignent une nouvelle fois l’importance de poursuivre les efforts de réduction de la pollution atmosphérique, en agissant sur l’ensemble des sources de pollution.
Comment a été estimé l’impact économique des conséquences pour la santé en lien avec la pollution de l’air ambiant ?
Pour calculer l’impact économique, AMSE (AMU) s’est appuyée sur :
• L’estimation de l’exposition de la population française à la pollution atmosphérique par modélisation de la qualité de l’air avec le modèle de chimie-transport CHIMERE (co-développé par l’Ineris et le CNRS) et les données de terrain des AASQA suivant la méthodologie utilisée pour la cartothèque de qualité de l’air de l’Ineris .
• L’évaluation quantitative d’impact sur la santé (EQIS) de la pollution de l’air ambiant sur la mortalité en France métropolitaine publiée en avril 2021 par Santé publique France, et menée dans plus de 36 000 communes en France continentale.
• La valorisation économique d’un décès évitable à long terme, qui repose sur la valeur officielle proposée dans le rapport Quinet, soit 3.3 millions d’euros de 2020. Elle traduit une composante non marchande, dont la comparaison directe avec des composantes uniquement marchandes (tel le Produit Intérieur Brut, PIB) est déconseillée.
Pour en savoir plus
- Chanel O. , 2021, "Impact sur la pollution de l’air ambiant des restrictions d’activité en lien avec la Covid-19 : Évaluation économique des effets de court et plus long terme sur la mortalité en France métropolitaine - Synthèse", Miméo AMSE : lire l'étude
- Adélaïde L, Medina S, Wagner V, de Crouy-Chanel P, Real E, Colette A, et al., 2021, "Impact de la pollution de l’air ambiant sur la mortalité en France métropolitaine : réduction en lien avec le confinement du printemps 2020 et impact à long terme pour la période 2016-2019". Bull Epidémiol Hebd.,13, 232-42 : lire l'étude
Pour en savoir plus sur la pollution de l'air et ses estimations économiques, retrouvez l'article Dialogues économiques "Combien vaut un air plus pur ?".
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Olivier Chanel (AMSE / CNRS)