Les bénéfices écologiques d'une économie punitive

Tribune
Une tribune d'Alain Trannoy publiée par Les Echos.
30 mai 2024

→ Cette tribune a été publiée par Les Echos le 29 mai 2024. 

Le net recul en France des émissions de gaz à effet de serre témoigne d'une nette prise de conscience politique de l'urgence. Mais l'effort ne doit surtout pas être relâché, tant ce sont toujours les derniers mètres qui sont les plus difficiles, pas les premiers.

Les bonnes nouvelles ces temps-ci sont trop rares pour ne pas s'y attarder. Les émissions de gaz à effet de serreont baissé de 5,8 % en France en 2023. En valeur absolue, c'est un chiffre du même ordre de grandeur que les taux de croissance du PIB des années 1960 ! Faut-il y voir le bénéfice d'une politique climatique ou simplement l'effet d'un contexte économique maussade ?

Soulignons d'abord, au-delà des résultats spectaculaires de l'année dernière, la belle trajectoire de baisse depuis 2017. La France émettait 460 millions de tonnes d'émissions équivalent CO2 cette année-là. Sept ans plus tard, elle n'en émet plus que 373 millions de tonnes, soit une chute de 19 %. Ces 87 millions de tonnes épargnées en 7 ans représentent une économie de 12,5 millions de tonnes par an. Si on prolongeait cette tendance pendant les 26 prochaines années, la France atteindrait la neutralité carbone en 2050. Evidemment, les obstacles ne manqueront pas. En général, ce sont les derniers mètres qui sont les plus difficiles, pas les premiers.

Prix de l'énergie

Le Citepa à l'origine de ces chiffres n'est pas encore en mesure de produire une décomposition entre les facteurs conjoncturels et les facteurs structurels dans l'obtention de ce résultat. Toutefois, la mise à plat des principales causes à l'origine de cette baisse nous fait penser que la tendance moyenne des années précédentes de réduction de 12,5 millions de tonnes de CO2 devrait être observée en 2024.

Deux facteurs économiques ont joué un rôle primordial en 2023 dans la baisse des émissions de deux secteurs clés, l'énergie et l'industrie : la faible croissance étouffée par le resserrement de la politique de crédit lancé par la BCE, et l'augmentation des prix de l'énergie de 5,7 %. Ces deux facteurs vont persister cette année, avec une croissance anémique, des prix du gaz doubles de ceux de 2019 et des prix de l'électricité supérieurs des deux tiers. L'industrie lourde (chimie, métallurgie) est pénalisée par ces prix de l'énergie très élevés et il ne fait pas de doute qu'elle tourne au ralenti. D'ailleurs, l'industrie dans son ensemble n'a toujours pas retrouvé son niveau de production de 2019.

Prolonger l'effort

En revanche, il nous semble que la politique climatique joue un rôle déterminant dans les résultats assez réguliers depuis plusieurs années obtenus par les secteurs du bâtiment, de l'agriculture et des transports. Enfin, un facteur conjoncturel ne se reproduira pas, la reprise de la production d'énergie d'origine nucléaire avec le redémarrage de plusieurs centrales.

Deux sujets d'inquiétude demeurent. D'abord, ce n'est pas le moment de relâcher l'effort. Serrer les cordons de la bourse du ministère de l'Ecologie reviendrait à envoyer le mauvais signal. L'effort climatique est un effort de longue haleine. La France se veut toujours une grande nation. Elle a été à l'origine du succès des accords de Paris, ce qui l'honore, mais ce qui lui donne des devoirs. A ce titre, elle se doit de respecter son engagement climatique. Il n'en demeure pas moins que le financement de la transition écologique pose un problème et n'est pas assuré. Nous y reviendrons lors des prochaines Rencontres economiques d'Aix-en-Provence, les 5, 6 et 7 juillet prochains. Ensuite, un secteur se singularise, le secteur aérien avec plus de 16 % d'augmentation de ses émissions pour les voyages internationaux. Il faudra faire preuve d'imagination pour que le secteur aérien contribue enfin à la sobriété énergétique.

 

Contact

→ Alain Trannoy est directeur d'études émerite à l'EHESS et membre d'Aix-Marseille Scool of Economics

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