Cette théorie a été étayée dans les années 1990 par les économistes Sachs et Warner. La malédiction des ressources naturelles insiste sur le contraste que présente la prauvreté de certains pays pourtant riches en matières premières. Sur l’ensemble des 95 pays qu’ils étudient, la proportion des exportations de ressources naturelles a un impact négatif sur la croissance. Ce coût du sort se manifeste à travers différents symptômes :
- Absence de diversification : l’exportation des ressources naturelles devient une des principales sources de revenus de ces économies. Le pays est de plus en plus dépendant des cours mondiaux ou encore de sa capacité d’extraction. Les exportations algériennes sont par exemple faites à 95% d’hydrocarbures.
- Court-termisme : aussi appelé “Short-termism”. Les ressources naturelles conduisent à un sentiment d’abondance qui se manifeste par un excès de consommation. C’est ce qui peut s’appeler « l’effet de voracité ». Il n’y a pas d’anticipation ni d’investissement de long terme.
- Mauvaise gouvernance : C’est peut être le plus déterminant. La malédiction des ressources n’est en réalité pas une fatalité. Elle est surtout due à une mauvaise gouvernance. C’est le cas pour les États faibles où diverses factions luttent pour s’accaparer les ressources. Un phénomène appelé la “captation de la rente” qui peut aller jusqu’à la guerre civile. Mais il s’agit aussi d’une mauvaise gestion, principalement due aux mécanismes de l’économie rentière : corruption, absence de stratégies économiques de long terme...
Elle est ici présentée à travers deux exemples étudiés par Raouf Boucekkine (Aix-Marseille Université, IMéRA, AMSE), l'Algérie et la République démocratique du Congo. Ses travaux décryptent la malédiction des ressources naturelles à travers les exemples de la République démocratique du Congo (RDC) et de l’Algérie. Ils montrent à eux deux l’importance d’une bonne gouvernance dans la gestion des matières premières. Ce sont les deux plus grands pays d’Afrique et parmi les plus riches en ressources naturelles mais la « malédiction » qui s’abat sur eux s’illustre de manière bien différente.
La malédiction des matières premières prend parfois le nom de « maladie hollandaise », pour rappeler les déconvenues économiques des Pays-Bas, dans les années 1960. À la suite de la découverte de gisements de gaz dans la province de Groningue, le pays accroît considérablement ses exportations. Mais cette embellie n’est pas sans conséquence : la devise hollandaise s’apprécie et nuit à la compétitivité des exportations non gazières du pays. Dans les autres secteurs la balance commerciale est défavorable. Cette spécialisation dans le gaz conduit au déclin de l’industrie manufacturière. Et, lorsque le gaz vient à manquer, les industries n’arrivent pas à prendre le relais car elles souffrent d’une monnaie trop forte. Finalement, la découverte des gisements aux Pays Bas n’a pas été une si bonne nouvelle. |
L’exception confirme-t-elle la règle ?
La « Suisse de l’Afrique » comme l’appellent certains : le Botswana est un contre-exemple édifiant de la malédiction des ressources naturelles. Il détient les 3e réserves mondiales de diamant de la planète et il a le taux de croissance du PIB le plus élevé de la dernière décennie (5,4% en 2014). L’exception confirme-t-elle la règle ? Oui, si on considère qu’une mauvaise gouvernance est la principale cause de cette malédiction. Parmi ses voisins, le Botswana peut être comparé à la Zambie. Ce sont les deux seuls pays de la région qui n’ont pas connu de guerre civile ni de dictature. Pourtant la croissance de la Zambie est loin derrière celle du Botswana. Ce dernier tire ses revenus du diamant et l’autre, du cuivre. Si les cours du cuivre sont plus volatiles, c’est surtout la structure politique qui importe. Alors qu’en Zambie, le parti au pouvoir dispose d’un faible contrôle, le contraignant aux pratiques de clientélisme, le Botswana se caractérise par des institutions fortes qui assurent l’application des politiques de développement votées. Au Botswana, la corruption est punie de façon implacable par la justice et les institutions se basent sur un système méritocratique. Résultat : entre 1970 et 2000, c’est le seul pays à afficher une croissance annuelle moyenne de 9%.
C’est bien là que le bât blesse pour la République Démocratique du Congo. Avec le Botswana, ces deux pays regorgent de matières premières. Mais là n’est pas la question…
Claire Lapique
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Infographie Claire Lapique